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Un récit court et documenté pour éclairer une mutation technologique, scientifique, industrielle, commerciale, sociale ou artistique venant de Chine.

La Terre vue du ciel

Pourquoi suivre des cours dans un amphithéâtre quand on peut le faire en direct d’une station spatiale ?

Les trois astronautes de Shenzhou-14 en sont déjà à leur troisième cours donné depuis l’espace et suivi par des étudiants depuis une salle de l’Académie des sciences de Chine, elle-même connectée à d'autres salles en province.

Le sujet du dernier cours de la classe Tiangong, du nom du la station spatiale chinoise ? La vibration des liquides en milieu de microgravité et l'effet Djanibekov, soit l'étude de la rotation instable des solides en apesanteur.

Pratiquement au même moment, à l'autre bout de notre monde minuscule, Samantha Christoforetti, première femme à diriger l’ISS, la station spatiale internationale, revient parmi nous à bord d’une navette Dragon de Space X qui a amerri au large de la Floride après cinq mois à 400 km au-dessus de nos têtes. Pour célébrer la fin de sa mission elle a tweeté les mots suivants : « Il suffit de lever les yeux pour voir la grandeur de l'univers et de les baisser pour observer la diversité des créations de la nature, laisser vagabonder ainsi son esprit et son regard emplit le coeur de joie, là est le bonheur ». Le tweet de l’astronaute italienne écrit directement en chinois a été aussitôt traduit en anglais et en italien pour que tous les petits Terriens le partagent en le saturant d’émojis.

Ces mots sont empruntés à la Préface au recueil du Pavillon des orchidées, poème d’un maître calligraphe du IV ème siècle qui vécut à la cour des Jin orientaux et décrit l'exaltation de la nature renaissante au printemps, tandis que quelques amis boivent ensemble à volonté des coupes de vin flottantes délicatement posées sur les feuilles de lotus de la rivière Zhe.


Le poème de Wang Xizhi, le calligraphe le plus doué de sa génération, est court, 28 lignes, 324 caractères, à peine le temps qu’il faut pour vider une coupe de vin car tel était le rituel des lettrés pour la fête de la purification du printemps, à chaque coupe bue il fallait offrir un poème, d’autant plus beau qu’il était composé d’un seul élan. Ce jour là 37 poèmes furent écrits et celui de Wang Xizhi leur tint lieu de préface. On raconte que l’empereur Tang Tiazong aimait tellement ces 28 lignes qu’il se fit enterrer avec.

L’astronaute italienne reconnaît que c’est un ami sinologue italien qui lui a suggéré de partager ces mots. Le coeur de tous les Chinois en a franchi le septième ciel de plaisir et la jeune femme a aussitôt été invitée à participer à la prochaine mission spatiale chinoise. Joseph Aschbacher, le directeur général autrichien de l’ESA, l'agence spatiale européenne, s’est ému lui aussi, rappelant que l’espace était le seul endroit du monde sans frontières. Sans frontières donc sans guerre ? Rien n’est moins sûr car les hommes n’ont pas besoin de frontières pour avoir envie de violer l’espace tellement leur volonté de puissance et de domination est sans bornes. Elon Musk ne veut-il pas coloniser Mars et faire enfin advenir le règne de l’homme pluriplanétaire ?

Par la science et la poésie l’humanité repousse les frontières de l’ignorance et de la mort qui ne cessent d’étendre leur empire sur notre terre. Que des Chinois puissent aujourd’hui, de l'espace, donner des cours sur l'effet Djanibekov, du nom du cosmonaute russe qui l’a découvert, ou qu’une astronaute italienne de l’ESA partage un tweet poétique datant de la dynastie Jin, est une preuve encourageante qu’il est possible d’habiter plus intelligemment la Terre. Et c’est le ciel qui nous le rappelle.

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